Le Mirandon (Monographie d'E. DURAND)

Quand on vient à Peyremale on se demande comment et pourquoi l'église et la cure furent construites, absolument seules, sur la montagne de Mirandon.
D'un abord difficile, n'ayant ni l'avantage d'être au centre de la paroisse, ni justifiée par une source aux eaux vives et abondantes, leur présence, là-haut, ne s'explique guère, dit-on !

Figurez-vous un bloc immense, formant presqu'île, s'allongeant de l'ouest à l'est, détaché du serre du Puech, escarpé, partiellement boisé, froid et inculte au nord, chaud et fécond au sud, éternellement ceinturé par les eaux de la Cèze, grossie de l'Omol et du Luech, et vous aurez une idée de Mirandon ! (de mir - médecin et de Randon).

A défaut de chemins, les rivières, jadis, servaient de guides aux envahisseurs.
De la nécessité urgente de garder, en les fortifiant, ces passages naturels. En remontant le cours de la Cèze, pour nous en tenir à nos contrées, on relève les châteaux de Saint Ambroix, de Montalet, de Castillon, du Villard (Bessèges), de Mirandon (Peyremale), d'Olivon (Sénéchas), du Cheyla (Aujac), de Bresis, de Vielvic, etc., défenseurs nés de nos basses Cévennes contre les pirates de l'Histoire.

Sur le point le plus élevé de Mirandon, on voit encore les restes de la Tourasse, faibles vestiges d'une très antique construction féodale.

Au temps des lances et des épées et même au temps des arcs et des flèches, la Tourasse, de Mirandon, contribua certainement, comme les autres, à la sécurité des indigènes.
Cependant, à cause de l'impossibilité d'avoir de l'eau sur cette pointe, à moins de creuser dans le rocher un puits jusqu'à la Cèze, (tentative qui ne fut pas même essayée) la garnison de la Tourasse ne dut jamais être bien importante.
Enfin, dominée par les montagnes voisines qui l'encerclent de toutes parts, quand apparurent bombardes, grenades et canons, la place fut intenable.
A une date imprécise mais que nous serions tenté de faire remonter jusqu'aux invasions sarrasines, la Tourasse prise, démantelée, ruinée, ne se releva jamais plus.

Du moins, n'avons-nous plus retrouvé son nom dans les diverses transactions des grandes familles du pays et quand Marie Félicie de Budos, en 1678, ordonne le recensement de son marquisat de Portes, au septième mandement qui est celui de Peyremale, il y a, pour toute mention « château ruiné ». Historique tout à fait insuffisant !

Dès 1052, nous avons vu, par la générosité d'Almérard, seigneur d'Anduze, les Bénédictins de Sauve prendre possession de la moitié de la ville et église et forêt. « Régordane » de Portes.
En 1317, l'abbé de Sauve a des droits seigneuriaux sur les mas de Sarsens et d'Argentelaux situés en la paroisse de Pierremale.
Pourquoi ne pas admettre que la donation d'Almérard aux Bénédictins, en 1052, comprenait aussi, sur les limites de la Régordane, la colline de Mirandon avec les restes de la Tourasse ?

Les moines étaient les artistes du temps. Le site de Mirandon, des plus pittoresques, devait leur plaire.
Et sur les hauteurs de Peyremale, entre 1050 et 1100, les moines succédèrent aux chevaliers de la Tourasse.

Là ; comme en bien d'autres lieux, les cris de guerre des hommes d'armes, les appels des guetteurs furent remplacés par les prières des gens d'église, par les doux tintements de la cloche.
A cinquante mètres environ au dessous de la Tourasse, sur un petit plateau, entre deux renflements, les Bénédictins, des plus belles pierres du donjon, construisirent l'église et le monastère destiné à recevoir le trop plein de leur ruche prospère.
Entre la consécration de la cathédrale de Nîmes par le Pape Urbain II en 1095 et celle du monastère de Tornac, près d'Anduze, par le Pape Gélase II, en 1118, sous la poussée des Bénédictions, il y eut dans toutes nos Cévennes, comme une magnifique floraison d'églises romanes.

Bien orientée, d'appareil moyen, de très pure forme, l'église de Peyremale n'avait qu'une seule nef, avec deux travées, d'une longueur totale de 9 mètres sur 4m50 de large, à l'intérieur, et une hauteur de 10 mètres.

L'abside mesure encore présentement 5 mètres à peine dans sa plus grande profondeur.
Elle portait deux légères échancrures, à droite pour la chapelle de Notre Dame, sa patronne ; l'autre, à gauche, pour la sacristie. Deux fenêtres avec vitraux, une au centre de l'abside, l'autre au milieu de l'arc triomphal, lui donnaient la lumière.
Une porte romane, à laquelle on accédait par quelques degrés, ouverte au midi, s'encadrait de deux arcs-boutants symétriques, avec une fenestrelle à anse de panier au dessus, complétant la décoration de ce simple mais tout de même gracieux monument. Du côté Nord, il ne reste qu'un arc-boutant, l'autre a disparu en 1737, lors de la construction de la chapelle de Saint Joseph.

Primitivement un mur percé de trois baies d'inégales dimensions, construit sur la façade ouest, en très belles pierres taillées, supportait la cloche. Semblable à ceux d'Aujac, de Bonnevaux, de Génolhac, pareil clocher était la marque caractéristique des moines architectes du XIIème siècle.
Les quatre arêtes du gros oeuvre, à l'extérieur, ainsi que le double cordon de la corniche formant génoise sont en grès blanc et encadrent très bien l'édifice, qui plus heureux que la plupart de ses contemporains, est toujours debout sur les rochers de Mirandon.

Le temps, le soleil, la pluie et le vent ont jeté sur cet ensemble leur riche patine, lui donnant ainsi un cachet et comme un lustre de plus.
Dans les constructions les plus anciennes du presbytère actuel on retrouve des pierres de même appareil, en tout semblables à celles de l'église, dénotant la même origine, sans doute !

Gravés à même l'imposte de la porte d'entrée, on lit ces mots : « Fundamenta illius monasterii », le reste de l'inscription avec la date sont malheureusement indéchiffrables.

Ferme d'exploitation pour les terres données par les Bermond, plutôt que monastère proprement dit, la « cella » du Mirandon ne compta peut être jamais un nombre considérable de religieux, mais quelques frères convers et deux ou trois prêtres, dont le supérieur ou « prieur ».

La Régordane s'avançait alors, splendide et drue jusqu'à la Cèze. Au quartier de l'Elzières (Euzé, Elze, Yeuse ou Chêne vert) il y avait même, longtemps après, des arbres, véritables colosses, de toute beauté, derniers vestiges de l'antique forêt.

Riverains de la Cèze et charbonniers de la Régordane, furent les premiers fidèles venant assister aux offices dans l'église du couvent de Mirandon.



Extrait de la « monographie de Peyremale » par Ernest DURAND



Article écrit par vr2909 le Vendredi 8 janvier 2010 à 09h25

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